L'AMOUR-AGAPÉ vs L'IMMORTALITÉ NATURELLE : UNE SÉDUCTION CLEF

LE MOBILE DE L'AMOUR

Au début de l'ère chrétienne, différents mots grecs étaient employés pour désigner l'amour. À l'époque de Platon, le mot éros représentait le concept le plus noble de la pensée philosophique grecque, un amour des plus pur et des plus noble. Mais l'éros était basé sur un concept égocentrique et ne pouvait donc atteindre un niveau plus élevé que celui des facultés supérieures de l'homme, elles-mêmes soumises au péché; elles ne pouvaient véritablement saisir l'Amour que les auteurs du Nouveau Testament tentaient de décrire. En fait, la signification de l'éros ne pouvait que se dégrader, de telle sorte qu'à l'époque du Nouveau Testament, le mot avait déjà pris une connotation vulgaire. Il n'aurait plus du tout convenu au Nouveau Testament.

D'autres mots pour « Amour » firent leur apparition : storgos, un mot de signification très restreinte qui ne se rencontre que deux fois dans le Nouveau Testament et sous sa forme composée astorgos (sans affection naturelle, Romains 1.31; 2 Timothée 3.3 ), et philos qui apparaît à plusieurs reprises sous différentes formes (comme le verbe phileo) et qui indique l'amour chaleureux et tendre d'un ami ou d'un proche de la famille. Ce mot se retrouve dans le Nouveau Testament lorsqu'il est question de la proximité et de la tendresse des membres de la famille chrétienne.

Mais ce qui devint le grand mot d'amour du Nouveau Testament fut le mot agapé (prononcer ah-gah-pay). Relativement obscur à cette époque, il arriva néanmoins à incarner une signification qui le rendit unique parmi tous les mots d'amour des langages du monde. Aujourd'hui certaines langues, dont le français, doivent expliquer sa signification étant donné qu'il n'existe aucun mot équivalent dans aucune autre langue sur terre. Agapé signifie essentiellement l'oubli complet de soi. Il relègue au second plan toute considération d'un bien-être personnel. Cela signifie que, si nécessaire, un tel amour choisirait un dépouillement total, une perdition éternelle, un anéantissement éternel, bref la mort éternelle. L'agapé décrivait le caractère même de Dieu. « Dieu est agapé (amour) » ( 1 Jean 4.8 ).

Ceci pourrait-il expliquer ce qui a réellement pris place sur la croix du Calvaire? Car, souvenez-vous, pour que Christ rachète un monde perdu, il fallait qu'Il paie entièrement la dette du péché. Il devait paraître devant Dieu à la place du pécheur et prendre ainsi la position même d'un pécheur condamné et non plus celle d'un Fils bien-aimé. Il aurait alors à supporter la désapprobation de Dieu envers la désobéissance et Sa colère face au péché, et non plus l'amour de Dieu pour Son Fils unique. Il devait donc mourir, être privé de vie et de conscience, non pas seulement pour trois jours et trois nuits, mais pour toujours. Cela signifiait aussi que tout espoir d'une bienheureuse résurrection et d'une réunification prochaine avec Son Père dans le ciel devait être abandonné. Toute pensée de profiter de nouveau de cet environnement céleste devait être entièrement bannie. Prendre la place du pécheur signifiait qu'Il devait endurer l'agonie d'une séparation éternelle de Dieu. La punition pour la transgression d'une loi sainte et juste impliquait tout ceci et bien davantage.

L'agapé est un amour si grand que la Divinité était prête à se soumettre à la croix du Calvaire afin de rendre possible la rédemption des âmes perdues. Et rappelez-vous que le Père a souffert autant que le Fils lors de l'agonie de Gethsémané et du Calvaire.

Maintenant, toutes ces choses faisaient-elles réellement partie de l'expiation? Peut-on affirmer que le Christ a, sur la croix du Calvaire, véritablement payé le prix pour la rédemption de l'homme, un prix équivalent à tous points de vue à la mort éternelle qu'exigeait la pénalité du péché? Il est heureux que nous puissions répondre oui en tous points à cette question.

Considérez comment E. GOULD White décrit l'agonie de notre Seigneur sur la croix :

« Par ses tentations redoutables, Satan déchira le coeur de Jésus. Le Sauveur ne pouvait pas voir au-delà des portes de la tombe. L'espoir de sortir de la tombe en conquérant ne se présentait pas à Lui. Il ne possédait plus l'assurance que Son sacrifice était agréé de Son Père. Sachant que le péché était si odieux à la divinité, Il redoutait que la séparation ne fût éternelle. Le Christ ressentait l'angoisse que tout pécheur devra éprouver quand la grâce cessera d'intercéder en faveur d'une race coupable. » (Jésus-Christ, p. 757)

Nous pouvons dire d'une manière simple que Christ est mort sur la croix du Calvaire de « l'équivalent de la seconde mort », cette mort dont on ne ressuscite jamais (voir Apocalypse 20.6, 9, 14 ). Il nous est dit un peu plus loin :

« Personne ne comprendra jamais la douleur mortelle qu'éprouva le Sauveur en cette heure d'angoisse suprême où la présence divine Lui fut retirée. Son agonie morale fut si grande qu'Il en oublia Ses tortures physiques. » (Jésus-Christ, p. 757)
Il y en a beaucoup qui, dans le monde chrétien d'aujourd'hui, n'ont aucune idée de ce qui s'est passé au Calvaire. Pour eux, l'expiation n'impliquait pas plus que les agonies physiques d'une crucifixion. Aussi terribles qu'elles puissent paraître, elles ne peuvent en aucune manière être placées dans la même catégorie que les agonies mentales et émotionnelles que Christ a endurées. Plusieurs croient que Jésus et le larron repentant se sont réjouis de se retrouver ensemble dans le royaume de gloire quelques minutes seulement après la crucifixion. C'est la doctrine de l'immortalité naturelle qui se trouve à la base de cette sérieuse erreur. C'est pourquoi, en ce qui concerne l'expiation plus que tout autre sujet, cette doctrine est considérée comme ce qu'elle est vraiment : une séduction clef. Ou, pour l'expliquer en d'autres termes, nous pouvons dire que personne ne peut pleinement comprendre l'expiation tout en croyant à la doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme.

L'agapé et son antithèse éros ont été étudiées avec soin par Anders Nygren, un évêque suédois de confession luthérienne, dans son livre Erôs et agapè. Ce livre est un classique dans le domaine. Il est intéressant de noter que Nygren ne trouve aucune place possible pour une doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme, ou tout autre principe ou philosophie connexe, dans le concept de l'agapé du Nouveau Testament. Il dit dans un paragraphe très significatif :

« Cette idée de la double nature de l'homme, de l'origine et de la qualité divines de son âme, ainsi que de sa libération du monde sensible et de son ascension vers la patrie divine d'où elle est originaire, constitue le plan fondamental sur lequel repose toute idée d'éros. Autour de cette idée principale viennent se grouper toute une série d'idées caractéristiques qui sont en relation intime avec elle et, notamment, la croyance à une chute préexistentielle, le corps conçu comme la prison de l'âme, l'idée de la migration des âmes, la croyance à l'immortalité naturelle de l'âme; à cela s'ajoutent encore la tendance ascétique et la voie mystique et extatique du salut. » (Erôs et agapè, p. 178)

L'étude d'Anders Nygren sur l'agapé, le mobile d'amour du Nouveau Testament, l'amène à rejeter complètement toutes les philosophies païennes dont l'enseignement de l'immortalité naturelle de l'âme, comme étant incompatibles avec le caractère d'amour de Dieu révélé à la croix. Il découvre, à la place, que ces idées païennes sont toutes fondées sur l'éros, et l'éros, comme nous l'avons noté, n'a pas sa place dans le Nouveau Testament. Il est évident que quiconque a entièrement compris l'expiation de Christ sur la croix, trouvera impossible d'accepter la doctrine de l'immortalité naturelle de l'âme.

Un merveilleux antidote envoyé par le ciel pour les terribles séductions qui ont retenu captifs tant d'esprits parmi la communauté chrétienne est le message de la justice de Christ de 1888. Avec l'accent mis sur les thèmes vitaux du salut, le message de Alonzo T. Jones et Ellet J. Waggoner présente l'évangile du Nouveau Testament sous une lumière que l'on n'avait point vue depuis les temps apostoliques (Fundamentals of Christian Education, p. 473). Et même si E. GOULD White, Jones ou Waggoner n'ont jamais utilisé le mot agapé, leur message entier vibre de ce thème de l'agapé. Donner ce message aux peuples de la terre, « le message que Dieu ordonna qu'il fut donné au monde » (Testimonies to Ministers, p. 91-92), revient à présenter les vérités bibliques dans un contexte qui attirera les esprits affamés partout. C'est à la lumière de ce message que les concepts séduisants d'une âme immortelle et de toutes ses erreurs connexes seront vus sous leur véritable jour. Cela contribuera largement à préparer la voie pour éclairer le monde de la gloire du quatrième ange.