Guillaume Farel chassé de Genève, le coeur plein d'amour
pour ceux qu'il avait dû quitter, songeait aux moyens de les faire
évangéliser, et tout en opérant sa retraite préparait, comme un
général habile, de nouveaux et plus heureux combats. Après avoir
salué les chrétiens d'Orbe et de Grandson, il se rendit sur le bord
méridional du lac de Neuchâtel, dans un village nommé Yvonand,
où se trouvait un jeune chrétien de vingt-deux ans nommé Antoine
Froment, né en 1510, au val de Frières en Dauphiné, d'un an plus
jeune que Calvin et compatriote de Farel.
Chacun considérait avec intérêt l'évangéliste fugitif, qui
venait d'échapper comme par miracle aux violences des prêtres
genevois. Froment surtout ne détachait pas les yeux du
réformateur; chacune des paroles de Farel faisait sur lui
l'impression la plus vive; et indigné contre les ministres de la
papauté, il s'apitoyait sur le sort des huguenots que les complots
du clergé privaient des trésors de la Parole de Dieu. Farel fixant sur
lui ses regards : « Allez, lui dit-il, et essayez si vous pouvez avoir
entrée dans Genève pour y prêcher. » Froment fut troublé.
« Hélas! mon père, dit-il à Farel, comment affronter les
ennemis devant lesquels vous avez dû fuir? » « Commence, lui
répondit Farel, comme je commençai à Aigle, où je fis d'abord le
maître et enseignai les petits enfants; tellement que les prêtres me
donnèrent eux-mêmes licence de prêcher. »
Ainsi débuta l'évangélisation de la célèbre ville de Genève.
14cm x 22cm
44 pages.