La justification vient par la rédemption établie et validée en Christ
seul. Le mot rédemption (apolutroseos, génitif singulier de apolutrosis
qui vient de apo, de, et lutrow, relâcher) employé au verset 24
signifie délivrer, détacher ou libérer. C'est le mot utilisé pour la
libération des prisonniers de guerre et l'émancipation des esclaves.
Il y a deux aspects à cette émancipation. Il y a d'abord l'acte
juridique d'émancipation, puis la condition de celui qui est émancipé.
Pour l'illustrer, considérons la proclamation d'émancipation faite par
le président Abraham Lincoln et sa ratification par la Législature des
États-Unis.
Le 1er janvier 1863, Lincoln déclara libres tous les esclaves résidant
sur les territoires en rébellion contre le gouvernement fédéral. Mais
l'esclavage devait être arrêté par une action locale. Cette
déclaration montra que la guerre civile était alors livrée afin de
mettre fin à l'esclavage. Cela devint un objectif de guerre et une
certitude virtuelle. L'esclavage a finalement pris fin aux États-Unis
avec l'adoption du treizième amendement de la Constitution, le 18
décembre 1865.
Dès le moment où le document de Proclamation de l'Émancipation fut
signé et décrété, chaque esclave devenait légalement libre. Mais
chaque esclave ne fut pas libéré en expérience. L'acte légal n'avait
pris qu'un moment. Or, avant que l'aspect expérimental puisse avoir
lieu, plusieurs choses devaient arriver :
- L'esclave devait entendre la bonne nouvelle. La connaissance
d'un acte légal de libération était essentielle, mais pas ses
sentiments.
- L'esclave devait croire la bonne nouvelle.
- L'esclave devait reconnaître que la bonne nouvelle est vraie
dans son cas.
- L'esclave devait refuser de rester dans son état d'esclavage.
- Il devait affirmer sa liberté devant son ancien maître.
- L'esclave devait compter sur l'autorité et la puissance de la
Législature des États-Unis d'Amérique pour l'appuyer dans son
refus de servir davantage comme esclave.
Il en est de même de la race humaine déchue! Christ a signé nos
papiers d'émancipation avec Son propre sang.
- Nous devons entendre la bonne nouvelle. La connaissance de
l'acte légal d'émancipation est essentiel, mais pas nos
sentiments.
- Il nous faut croire cette bonne nouvelle.
- Nous devons reconnaître la bonne nouvelle comme étant véridique
dans notre cas.
- Nous devons refuser de demeurer en soumission comme esclave.
- Nous devons affirmer la liberté donnée par Dieu devant notre
ancien maître d'esclaves.
- Nous devons compter sur l'autorité et la puissance du
gouvernement divin pour nous appuyer, nous défendre et nous
soutenir (derrière nous, devant nous et avec nous) alors que
nous refusons de poursuivre cet esclavage sous la férule de
l'ennemi de la liberté.
Dans cette illustration tout comme dans la réalité évangélique, la
condition d'émancipé suit l'acte légal d'émancipation. Tout en faisant
partie d'un même tout, ce sont des aspects de l'émancipation séparés,
distincts et pouvant être distingués comme tels. L'un est la racine,
l'autre le fruit. L'un initie la chose, l'autre y participe. L'ordre
est ici vital. Ce n'est pas la participation qui vient en premier. Ni
est-ce que c'est le fruit qui pousse et prend ensuite racine.
L'aspect légal de la justification opérée sur le Calvaire fournit une
raison juridique suffisante pour permettre à Dieu de transformer le
pécheur lorsqu'il accepte Christ par la foi. Dans ce plan, il s'agit
de la justice de Christ du commencement à la fin. Il n'y a pas de
place pour la grâce sacramentelle du Moyen Âge dans cette méthode.
(L'Église du Moyen Âge utilisait la justification dans le sens latin
limité de rendre juste. Aussi fallait-il, avant qu'une personne ne
puisse être justifiée, c'est-à-dire être rendue juste, qu'elle soit
d'abord sanctifiée. La sanctification était l'oeuvre de toute une vie
axée sur la réception de la grâce sacramentelle, commençant par le
baptême [peu après la naissance] et se terminant par l'Extrême-Onction
[une onction juste avant la mort] selon cette théorie de l'Église de
Rome. Si une personne n'était pas pleinement sanctifiée, son âme
allait dans un endroit appelé purgatoire [un état dans lequel les âmes
de ceux qui sont morts dans la grâce liturgique doivent expier leurs
péchés par une extrême souffrance]. Après cela, elle pouvait être
justifiée [rendue juste] et passer au ciel. Selon cette tradition,
quelqu'un doit d'abord devenir apte à vivre au ciel avant d'obtenir le
droit d'y entrer.
Luther rejeta la doctrine du purgatoire parce qu'elle est contraire à
l'enseignement biblique de la justification et le nie. L'enseignement
de la justification refuse d'admettre l'existence de la doctrine du
purgatoire. Dans le plan biblique du salut, le droit [la justification
en Christ] vient en premier, puis vient la préparation pour le ciel
[sanctification]. Le fruit croit à cause de la racine qui le
nourrit.)