L'amour-agapè se distingue facilement lorsqu'on le contemple
en la personne de Jésus. Car Il est venu spécialement pour
nous le révéler.
Cet amour est spontané, sans motif. « Jésus guérissait tous les
maux... et soulageait tous les fardeaux » dit un cantique bien connu.
Il ne posait pas de questions. Il guérissait. Il n'attendait rien en
retour; mais Il aimait bien sentir cette réponse du coeur, cette foi
qui pouvait apprécier. Il Lui arrivait de la demander. Il éprouva de
la peine de voir les dix lépreux s'en aller égoïstement et ne pas
revenir, sauf un, alors qu'Il venait de leur donner une si belle
démonstration de Son amour gratuit et inconditionnel par une
guérison complète. « La puissance de l'amour se révélait dans
chaque guérison de Christ, et c'est seulement en participant à cet
amour, par la foi, que nous pouvons être des instruments pour Son
oeuvre. » (Desire of Ages, p. 825, Jésus-Christ, p. 826). C'est en
participant à cet amour que nous devenons capables de travailler au
bien de nos enfants et comme Jésus, au relèvement de l'humanité.
Le parent aimant ne cherche pas à imposer la crainte à l'enfant,
que ce soit par des punitions, en élevant la voix ou en frappant; car
il possède un amour qui guérit. L'amour parfait n'utilise pas la peur
comme méthode : « La crainte n'est pas dans l'amour, mais l'amour
parfait bannit la crainte. » (
1 Jean 4.18 ). Il n'utilise pas non plus
l'attrait des récompenses ou les mérites; ce serait lui transmettre un
esprit mercenaire, un désir de s'élever (celui-là même qui a causé la
chute de l'homme); c'est un amour gratuit et spontané qui désire
abattre toutes les barrières du ressentiment et de la rébellion que
produisent la crainte et l'égoïsme. Enfin, il créera une atmosphère
propice à faire naître le même amour spontané chez l'enfant. C'est
là la véritable éducation.
« L'exercice de la force est contraire aux principes du
gouvernement divin. Il ne désire qu'un service d'amour, et
l'amour ne peut être commandé; il ne peut être gagné par
la force ni par l'autorité. Seul l'amour éveille l'amour.
Connaître Dieu, c'est L'aimer; Son caractère doit être manifesté
en contraste avec le caractère de Satan. » (Desire of Ages,
p. 22; Jésus-Christ, p. 12; cf. Le mot qui tourna le
monde à l'envers, chapitre Éros ou agapè).
Le parent rempli d'amour, devenu canal entre Dieu et l'enfant, lui
donnera toute l'aide possible, même s'il n'en reçoit que de
l'ingratitude. Il donnera et il n'attendra rien en retour. Il agira toujours
selon ce mobile : « L'amour de Christ nous presse. » (
2 Corinthiens 5.14
). C'est le caractère de Dieu d'aimer car Il est Amour. Et c'est
la caractéristique de Son amour de se donner, de se répandre.
Nous pouvons aussi démontrer ce caractère, en apprenant à Le
connaître.
Le père du fils prodigue fut rapide à percevoir au loin la silhouette
de son fils, malgré l'aspect très différent qu'il offrait maintenant, en
comparaison de sa lancée vers la gloire. Le père courut au-devant
de lui : l'amour est vif de réaction, il est spontané. « Apportez vite la
plus belle robe. » Il est tout de suite réintégré dans la maison, dans
la famille, avec tous les honneurs, et le père du fils prodigue lui
laisse à peine le temps de prononcer sa demande de pardon.
Notre amour est-il aussi spontané? Sommes-nous lents à ouvrir la
porte à la repentance? Repoussons-nous à plus tard le pardon que
nos enfants réclament en prétextant qu'ils n'ont pas suffisamment
de repentance? Faut-il leur demander d'acheter le salut par leur
repentance? Sommes-nous les gardiens des portes du ciel?
C'est en Christ que nous sommes sauvés, et cela ne vient pas de
nous, c'est le don gratuit de Dieu. Car Dieu nous a tout donné en
Christ, la foi (
Romains 12.3;
Apocalypse 14.12 ) comme la repentance (
Romains 2.4 ). Nous ne pouvons rien Lui offrir.
« Prends mon coeur car je ne puis Te le donner, » dit la prière.
Prions Dieu dans les moments difficiles, afin qu'Il nous donne de
démontrer la bonté de Dieu qui pousse à la repentance et qu'Il
donne ensuite cette repentance à notre enfant.
L'amour est souverain, indépendant de la valeur de la
personne ou de l'enfant. Jésus n'avait d'égard à qui se
présentait devant Lui. Il oeuvrait aussi bien pour l'inconnu, l'étranger, le
disciple, le pharisien, le publicain, le riche, le pauvre, la veuve, la
mère de famille, l'enfant... Il s'est uni à toute la race humaine, à
tous les hommes, gratuitement, par amour. Il est descendu au plus
bas de l'échelle humaine, afin de pouvoir en tirer le plus déchu et le
plus petit. Il s'est uni à nous par des liens que seul notre choix peut
briser. (Suivant l'exemple du Sauveur, le parent ne devrait jamais
laisser la main de l'enfant.) Dans Son amour, Christ a changé de
vie et Il a pris sur Lui la nature des enfants de l'humanité,
« parfaitement identique avec notre propre nature, mais sans la teinte du
péché... homme ayant notre chair, soumis à la faiblesse de l'humanité...
exposé à tous les inconvénients qui touchent l'homme. »
(Manuscript Releases, vol. 16, p. 181).
De même le parent chrétien ne cherche pas en l'enfant un motif
pour l'aimer. Il ne considère pas quels sont ses résultats scolaires,
ses prouesses sportives, sa vivacité d'esprit, ses qualités ou sa
beauté. Il le prend, tel qu'il est; il va vers l'enfant et cherche à
enrôler sa volonté au lieu d'exiger. Il s'unit à lui dans l'accomplissement
de ses tâches et de ses devoirs, ainsi que dans les cultes
de famille; il prie avec lui le Dieu du ciel pour Lui demander pardon
lorsqu'un problème se pose. Il prie par les mérites de Jésus. N'a-t-Il
pas porté les péchés de beaucoup d'hommes, de tous les hommes (
Romains 5.18
)? Il les a en effet sentis en Lui, Il les a portés dans
Sa conscience humaine, envahie par la douleur, l'horreur et la
culpabilité du péché. Il a payé le prix pour tous les péchés de tous
les temps, afin de nous libérer. Et ceci inclut et englobe aussi tous
nos enfants, sans exception. Précieux Sauveur!
Nous devons ainsi considérer chaque enfant comme un enfant de
Dieu. Car, à moins de résister volontairement et avec persistance
à l'attrait de l'amour, il sera, lui aussi, amené aux pieds de Jésus et
de la croix, dans l'appréciation profonde de ce qu'Il a fait pour lui.
Sa place est réservée au ciel car Jésus est allé la préparer. Ne dites
jamais à un enfant : « Si tu continues ainsi, tu n'iras pas au ciel. » Ce
serait une mauvaise nouvelle de nature à le décourager. Dites-lui
plutôt cette vérité que le ciel lui a été acquis et lui est réservé en
vertu des mérites de Jésus. Demandez-lui ensuite : « Veux-tu Lui être
agréable? » Il agira par amour et non par crainte.
Cet amour est créateur de valeur. Non seulement Jésus vient-Il
à notre secours, mais Il nous recrée. Cela veut dire prendre un être
dévalorisé, un enfant maltraité ou le voyou le plus indigne, et
l'aimer, lui donner espoir, créer en lui cette confiance en Dieu, cette
assurance, la certitude d'être un jour avec Lui. C'est ce que Jésus
a fait en prenant chaque enfant de l'humanité pour s'unir à lui; Il a
porté ses péchés sur la croix et a payé pour lui le prix d'entrée au
ciel. Voilà la valeur qu'Il donne à l'enfant, une valeur proportionnelle
à la grandeur de Son sacrifice infini, de Son amour infini.
En S'incarnant, Il est devenu nous et nous sommes devenus Lui.
C'est ainsi qu'Il peut maintenant nous communiquer une valeur qui
est la Sienne : « ... afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux... » (
Jean 17.26
). Le Père nous aime comme Il aime Son Fils. Il nous
rend plus précieux que l'or fin, l'or le plus pur (
Ésaïe 13.12
). Comment pouvons-nous démontrer une telle attitude envers nos
petits? C'est d'abord en ayant, selon
1 Corinthiens 2.16, la
pensée de Christ. Si nos yeux sont constamment dirigés vers
Christ, nous Le verrons au travers de ces petits. « Ce que vous faites
au plus petit... c'est à moi que vous le faites. » (
Matthieu 25.40
). Ce sera suffisant pour révolutionner notre approche éducative.
Finalement,
l'agapè crée la communion. L'amour de Dieu se
mit à la recherche d'Adam et Ève dans le jardin, en dépit de leur
faute. Car Christ désire plus que toute autre chose communier avec
l'homme. Il cherche l'homme, l'homme pécheur. Dieu est venu
Lui-même au-devant de l'homme pour lui offrir Sa communion, Sa
solution; Il est représenté dans le père du fils prodigue qui coure
au-devant de son fils gaspilleur et égoïste. L'initiative vient de Dieu.
« Je suis errant comme une brebis perdue : cherche ton serviteur. » (
Psaumes 119.176 ).
Que produit cette communion? Unis à Lui par la foi, dans une
appréciation sincère et profonde de Son sacrifice, nous en démontrons
la réalité par notre propre sacrifice, le sacrifice de soi. Car
nous avons le même mobile : l'amour qui renonce à soi, qui se
sacrifie. Le païen sacrifie un animal pour apaiser la colère de son
dieu, le dévot fait des sacrifices pour obtenir une faveur, mais le vrai
chrétien regarde son Dieu Se sacrifier pour lui avec un étonnement
mêlé d'admiration. Voilà en quoi diffère le christianisme!
C'est dans le sacrifice de la croix que l'agapè prend tout son sens.
C'est le point véritable de communion avec Christ. C'est la
démonstration de l'amour suprême que rien ne pourra jamais
égaler. Dieu est Amour. Il a voulu réconcilier le monde avec
Lui-même. Il a livré Son Fils aux vignerons, à Ses ennemis, par amour
pour eux. Pourtant, Il les connaissait, Il savait. Mais rien de ce qui
était possible ne devait être omis pour les rescaper, rien. Christ a
donné Sa vie pour nous, impies. Il connaissait Judas; n'avait-Il pas
passé trois ans et demi en sa compagnie? N'avait-Il pas la possibilité
de lire dans les coeurs? Il savait que ce traître ne se convertirait
jamais, qu'il Le trahirait et qu'il Le livrerait. Mais Il a tout fait pour
lui. Il a même communié avec Son ennemi, avec le traître, dans la
chambre haute. Celui qui a mis sa main dans le plat avec Lui, Il l'a
nourri, éduqué, aimé. Pour toute réponse, le méchant n'a cherché
qu'à profiter de Son amour infini.
Mais on ne pourra jamais dire que Son amour est moins qu'infini.
Il fera tout pour nous sauver. N'est-Il pas mort pour nous? On ne
pourra jamais dire qu'Il aurait pu faire davantage. Celui qui sera
perdu le devra à son propre choix et à son refus persistant de la
grâce divine. N'est-Il pas ressuscité pour nous? Les liens de la mort
n'ont pu Le retenir, car les liens de Son amour pour l'homme
n'avaient jamais été brisés. « L'amour est aussi fort que la mort. »
Cette communion trouvera son apogée dans la plus grande
réception de tous les temps. Assis autour d'une même table pour
participer à ce nouveau Souper de communion, Il nous servira. Ce
sera certes le meilleur festin que nous ayons jamais goûté, car c'est
Lui qui l'a préparé. Ce sera un festin de roi, un festin d'agapè.