Le véritable amour dans l'éducation

Avant-propos : l'amour inconditionnel

Il serait au préalable utile de mentionner, pour ceux qui sont moins familiers avec le sujet, que les spécialistes dont les ouvrages sont cités en référence n'utilisent que rarement l'expression « amour inconditionnel ». Anders Nygren, auteur d'une recherche unique sur le thème de l'amour et ses transformations dans l'histoire, utilise à quelques reprises le mot « inconditionné ». E. Gould White, pour sa part, s'en abstient et nous oblige à conclure à une omission volontaire. Tous deux préfèrent, semble-t-il, utiliser les qualificatifs infini, incomparable, merveilleux, suprême, inaltérable, plutôt qu'inconditionnel. Ce n'est certes pas parce que le mot était inconnu à leurs époques respectives, au contraire. La seule explication plausible réside dans le désir d'éviter un quelconque piège tendu sous la surface et guettant tous les superficiels et les non avertis.

En sondant ces écrits, nous avons en effet relevé ce qui pourrait constituer le dit piège : « Le pardon inconditionnel n'existe pas. » (Puissance de la grâce, 6 mars). Nous pouvons déduire sans crainte de nous tromper que l'ignorance volontaire de l'expression « amour inconditionnel », vient du risque qu'elle comporte de véhiculer l'idée non biblique d'un pardon inconditionnel et d'une grâce à bon marché. Peut-être avait-on aussi prévu l'utilisation abusive qu'en feraient certains auteurs, chrétiens comme séculiers!

Transposé dans le domaine de l'éducation, le danger correspondant au pardon inconditionnel prend le nom d'indulgence ou d'ignorance volontaire. Le parent, l'éducateur, fermera les yeux sur les fautes de l'enfant : c'est l'amour aveugle. Par conséquent, nous croyons sage d'utiliser le terme « amour inconditionnel » avec réserve.

Nous lui préférerons le mot agapé, l'amour qui se donne, qui renonce à lui-même, qui se sacrifie; car cet amour nous rappellera constamment sa source divine. La méthode divine ne consiste pas à fermer les yeux sur la transgression en accordant à l'homme un pardon sans conditions, mais à remplir les conditions du pardon par le don de Christ, qui est devenu notre Substitut et a bien voulu porter les péchés de tous les hommes en mourant sur la croix. L'homme ainsi libéré de la crainte de la mort ne peut ensuite qu'apprécier ce Sauveur incomparable. Il le fera avec reconnaissance, en honorant Sa loi d'amour, la transcription de Son caractère.

Précisons que, tout en évitant le piège décrit plus haut, E. Gould White a néanmoins défendu le concept de l'amour inconditionnel avec une justesse particulière, en faisant même l'un de ses thèmes favoris. On raconte qu'en terminant la rédaction du remarquable petit livre Vers Jésus, le conseil lui fut donné, divin sûrement, d'y ajouter un nouveau chapitre, au tout début. Jusque là, le livre devait débuter par la description de la condition humaine, son état pécheur, et son besoin d'un Sauveur. C'est ainsi que prit forme le célèbre chapitre « L'amour de Dieu pour l'humanité ». Le conseil avait une grande valeur et une autre introduction n'aurait pas mieux convenu; car ce n'est pas l'homme qui cherche Dieu, mais Dieu qui cherche l'homme et a pris l'initiative d'aller à sa recherche et de le sauver. Il convenait donc que l'amour de Dieu figure en premier lieu.
« Voici, ton roi vient à toi, plein de douceur... » ( Matthieu 21.5 ).

« Car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde » ( Jean 6.33 ).
Les paraboles de la brebis perdue, de la drachme perdue, et du fils prodigue nous enseignent aussi cette même vérité : le Bon Berger est parti à la recherche de ce qui était perdu. L'homme ne peut que s'étonner devant un si grand déploiement de moyens et se sentir poussé à répondre à un si grand amour. Nous touchons ici aux bases mêmes de l'éducation. L'initiative vient du maître, la réponse vient de l'élève. Si nous comprenons cette pensée, nous avons compris une grande chose : le secret de l'éducation, le don de soi.

Cette précision étant dite, passons maintenant à l'objectif de notre réflexion.