« Job prit de nouveau la parole sous forme sentencieuse et dit : Dieu
qui me refuse justice est vivant! Le Tout-Puissant qui remplit mon âme
d'amertume est vivant! Aussi longtemps que j'aurai ma respiration, et
que le souffle de Dieu sera dans mes narines, mes lèvres ne
prononceront rien d'injuste, ma langue ne dira rien de faux. Loin de
moi la pensée de vous donner raison! Jusqu'à mon dernier soupir je
défendrai mon innocence; je tiens à me justifier, et je ne faiblirai
pas; mon coeur ne me fait de reproche sur aucun de mes jours. » (
Job 27.1-6 )
Si Job était juste, alors où se situe le problème? Quel est le
problème de Job? La propre justification devant ses amis. Il cherche à
tout prix à se justifier plutôt que de laisser Dieu le justifier. Il
dit toutes sortes de choses qui donnent une mauvaise idée du salut de
Dieu. C'est pourquoi Dieu lui fera ce reproche à la fin :
« Qui est celui qui obscurcit mes desseins par des discours sans
intelligence? Ceins tes reins comme un vaillant homme. » (
Job 38.2-3 )
« Quel est celui qui a la folie d'obscurcir mes desseins? » (
Job 42.3 )
Cette propre justification (ou justice) est corroborée par le
quatrième ami Élihu qui entre dans une sainte colère contre Job parce
qu'il cherche à se justifier, parce qu'il se dit juste.
« Ces trois hommes cessèrent de répondre à Job, parce qu'il se
regardait comme juste. Alors s'enflamma de colère Élihu, fils de
Barakeel de Buz, de la famille de Ram. Sa colère s'enflamma contre
Job, parce qu'il se disait juste devant Dieu. Et sa colère s'enflamma
contre ses trois amis, parce qu'ils ne trouvaient rien à répondre et
que néanmoins ils condamnaient Job. » (
Job 32.1-3 )
Ses autres amis l'accusaient aussi du même délit. Si leur première
accusation est fausse, affirmant que Job est responsable de ce qui lui
arrive, cette seconde accusation semble plus plausible : Job se
prétend juste.
Était-il vraiment juste? Le témoignage même de Dieu le confirme :
« ... mon serviteur Job, intègre et droit (juste) ». Mais à quel
moment cela s'applique-t-il? Au début seulement du récit ou tout au
long de cette longue affliction? Il faut être prudent de ne pas
appliquer cette remarque de Dieu en dehors de son contexte. Dieu dit
ces choses au départ. Il se tait pendant l'épreuve de Job. Il fait
ensuite Lui-même connaître Son appréciation du comportement de Job
dans les derniers chapitres. Nous y reviendrons.
D'autre part, le fait que Job veuille à tout prix se justifier, cette
propre justification n'implique-t-elle pas un manque d'humilité et de
la propre justice? La propre justification n'a-t-elle pas pour racine
l'orgueil et n'est-elle pas à ce moment-là un péché semblable au péché
originel? L'orgueil fut le péché de Satan et l'un des premiers péchés
d'Adam et Ève qui se sentirent comme Job accusés face à Dieu.
Par ailleurs, la tentation de l'Adversaire a pour objectif de faire
paraître le caractère naturel de l'homme, cette nature qu'il a
dénaturée, cette chair pécheresse que nous avons tous reçue d'Adam et
qui a obligé Christ à devenir péché (chair pécheresse) pour nous
sauver. Satan veut ensuite brandir ce tison à la face de Dieu :
« Voici l'homme! Quelle réussite! » Oui, quel gâchis!
Peut-on accepter les remarques d'Élihu sur la propre justice de Job
comme pertinentes?
« Est-ce d'après toi que Dieu rendra la justice? » (
Job 34.33 )
« Imagines-tu avoir raison, penses-tu te justifier devant Dieu... » (
Job 35.2 )
Voyons quelques-uns des arguments invoqués par Élihu.
« Élihu continua et dit : Attends un peu, et je vais poursuivre, car
j'ai des paroles encore pour la cause de Dieu. Je prendrai mes raisons
de haut, et je prouverai la justice de mon Créateur. Sois-en sûr, mes
discours ne sont pas des mensonges, mes sentiments devant toi sont
sincères. Dieu est puissant, mais il ne rejette personne; Il est
puissant par la force de son intelligence. Il ne laisse pas vivre le
méchant, et il fait droit aux malheureux. Il ne détourne pas les yeux
de dessus les justes... » (
Job 36.1-7 )
Élihu affirme la vérité que Dieu ne rejette personne. Ce qui signifie
que si quelqu'un est perdu, c'est qu'il aura lui-même rejeté Dieu.
Pour Sa part, Dieu a tout donné pour sauver tous les hommes. Il
n'aurait pas pu faire davantage. Personne ne pourra accuser Dieu de ne
pas avoir fait le maximum pour l'homme, pour chacun de nous. (Voir le
chapitre Judas dans Jésus-Christ.) Le sacrifice de Christ est infini.
Seule la volonté de l'homme, seul son refus persistant peut lui fermer
la porte des cieux. Car Dieu ne peut l'y traîner de force. Il respecte
sa liberté.
« Mais Dieu sauve le malheureux dans sa misère, et c'est par la
souffrance qu'il l'avertit. Il te retirera aussi de la détresse, pour
te mettre au large, en pleine liberté, et ta table sera chargée de
mets succulents. Mais si tu défends ta cause comme un impie, le
châtiment est inséparable de ta cause. Que l'irritation ne t'entraîne
pas à la moquerie, et que la grandeur de la rançon ne te fasse pas
dévier! ... Garde-toi de te livrer au mal, car la souffrance t'y
dispose. » (
Job 36.15-18, 21 )
Le conseil est judicieux et juste. Job le suivra.
Les autres paroles de cet ami sincère de Job semblent refléter une
expérience profonde avec Christ.
« Bien que tu dises que tu ne le vois pas, ta cause est devant lui :
attends-le! » (
Job 35.14 ) (Ou espère en Lui.)
« Dieu est puissant, mais il ne rejette personne... » (
Job 36.5 )
« Nous ne saurions parvenir jusqu'au Tout-Puissant... » (
Job 37.23
) (C'est Lui qui est descendu vers nous. Voir
Romains 10.6-8 )
Dieu Lui-même ne fera aucun reproche à Élihu comme Il le fait à ses
trois autres amis. Peut-on considérer l'attaque tripartite de Satan
contre un seul homme comme juste? Se pourrait-il que Dieu ait décidé
de faire contrepoids à l'ennemi et d'envoyer à Job un aide, un
consolateur qui remette sur la bonne route Son enfant égaré? Nous
croyons que oui, que c'est ce qu'Élihu a fait car, après l'exhortation
de ce quatrième ami, Job s'élève dans la foi et Dieu met fin à
l'épreuve, satisfait de la foi triomphante de Job.
« Même s'il était fatigué de vivre, Job n'eut pas la permission de
mourir. Les possibilités du futur lui furent indiquées, et un message
d'espoir lui fut donné (
Job 11.15-20
). » (PK, p. 163; PR, p. 119)
Soulignons en passant la différence entre un impie et un saint : les
deux sont pécheurs, mais l'impie défend sa cause alors que le juste
s'en remet à Christ, « le Défenseur des enfants de ton peuple » (
Daniel 12.1 ).
Remarquons que Job ne se sauve pas lui-même par sa foi. Dieu
intervient et le sauve. La foi ne sauve personne. Elle se saisit du
Dieu qui sauve. Comme Job a la foi, il s'incline et accepte les
reproches et le cadeau de Dieu. En ceci Job est un type de Laodicée,
de l'Église qui reçoit un sévère reproche mais aussi le baume pour
oindre ses yeux et reconnaître les deux faits de base, la formule du
salut : « Non pas moi, mais Christ. » Issue d'une expérience d'amour
sincère, Laodicée a sombré dans la propre justice, cherchant à se
justifier par ses oeuvres au lieu de compter sur la vie et la mort de
Jésus-Christ. Elle finit par recevoir des reproches et ceux qui y
prennent garde reçoivent ainsi les vêtements blancs de la justice de
Christ.
Dieu entre donc en scène et Il s'adresse Lui-même à Job pour ensuite
attribuer leurs notes à chacun des protagonistes; Élihu ne reçoit
aucune note, comme s'il était déjà diplômé du ciel en matière de foi.
Il fait donc figure d'arbitre, de tuteur, de messager, de consolateur
ou de soigneur. Que ceux qui doutent de la véracité des paroles
d'Élihu remarquent que l'Éternel approfondit les explications d'Élihu
relatives à la grandeur de son Créateur (
Job 36.22 à
37.24
) afin d'instruire Job! C'est un indice que Dieu S'est servi d'Élihu
pour lui montrer le chemin, tout comme Jean le Baptiste fut envoyé
pour préparer le peuple à la venue de Christ par un appel à la
repentance.
Dans le jugement final de Dieu sur cette affaire, seul Job reçoit la
note de passage. Pourquoi Élihu et Satan sont-ils les seuls qui ne
soient pas jugés? Élihu joue le rôle d'un avocat; il représente Christ
homme dont la foi sera sans faille et il encourage Job à suivre Ses
traces. Il s'est tu tout au long de la conversation parce que la
permission d'intervenir ne lui avait pas été donnée, comme Jésus ne
pouvait non plus intervenir avant que le temps soit accompli. Et Job
n'était pas prêt à recevoir le message tout comme Laodicée vis-à-vis
du message du troisième ange. La foi de Job devait être éprouvée pour
en sortir purifiée. Ce sera aussi notre cas. Il relie lui-même son
silence au respect qu'il possède pour la sagesse des plus âgés. Mais
l'Esprit s'agite au-dedans de lui (
Job 32.18
) et il ne peut rester muet devant cet obscurcissement de l'Évangile
et du caractère de Dieu.
Job a-t-il été fautif en quoi que ce soit d'autre? Voici le témoignage
de Job lui-même :
« Job prit la parole et dit : Maintenant encore ma plainte est une
révolte mais la souffrance étouffe mes soupirs. » (
Job 23.1-2 )
(Une autre version dit : « Ma plainte est très amère », KJV).
Mais notez une autre comparaison très significative :
« Comme Job, vous avez senti que vous aviez des raisons d'être peiné
et vous ne vouliez pas être consolé. Était-ce raisonnable? Vous savez
que la mort est une puissance à laquelle personne ne peut résister,
mais vous avez rendu votre vie presque vaine par votre peine inutile.
Vos sentiments ont frisé la rébellion contre Dieu. J'ai vu que tout
cet attachement à votre deuil et cet abandon à vos sentiments trop
vifs allant jusqu'aux démonstrations bruyantes de douleur ont amené
les anges à se cacher la face et à se retirer de la scène. »
(2MCP, p. 460)