L'EXAUCEMENT DE NOS PRIÈRES

Karl Barth

(Tiré de La Prière d'après les catéchismes de la Réformation, p 26-29, Delachaux et Niestlé S. A., 1967)


Abordons le sujet en partant du fait que Dieu nous exauce. Il n'est pas muet, Il écoute; plus que cela, Il agit. Il n'agit pas de la même manière si nous prions ou si nous ne prions pas. Il y a une influence de la prière sur l'action, sur l'intention de Dieu. C'est ce que signifie le mot exaucement. Dans la question 129 du Catéchisme de Heidelberg, il est dit que l'exaucement de nos prières est plus certain que le sentiment que nous avons des choses que nous demandons. Il semble qu'il n'y a rien de plus certain que le sentiment de ce que nous demandons; mais le Catéchisme dit que l'exaucement de la part de Dieu est encore plus certain. Il faut que nous aussi nous ayons cette assurance intérieure. Peut-être doutons-nous de la sincérité de notre prière et de la valeur de notre requête. Mais une chose est hors de doute, c'est l'exaucement que Dieu donne. Nos prières sont faibles et pauvres. Cependant ce qui importe n'est pas que nos prières soient fortes, mais que Dieu les entende. Voilà pourquoi nous prions.

Comment Dieu nous exauce-t-Il? Il faut ici nous souvenir de l'article du Catéchisme de Calvin sur Jésus-Christ. On ne peut mieux comprendre l'exaucement de Dieu qu'en suivant cette pensée : Jésus-Christ est notre frère, nous Lui appartenons, Il est le chef [la tête] du corps dont nous sommes les membres et Il est en même temps Fils de Dieu, Dieu Lui-même. C'est Lui qui nous est donné comme Médiateur, comme Avocat devant Dieu. Nous ne sommes pas séparés de Dieu et, ce qui est plus important, Dieu n'est pas séparé de nous. Il se peut que nous soyons des sans-Dieu, mais Dieu n'est pas sans les hommes. C'est cela qu'il faut savoir, et c'est ce qui importe. En face des sans-Dieu, il y a Dieu qui n'est jamais sans les hommes, parce qu'en Dieu l'homme, les hommes, nous tous, nous sommes présents. Si Dieu connaît l'homme, s'Il le voit et le juge, c'est toujours dans la personne de Jésus-Christ, Son propre Fils, qui a été obéissant et qui est l'objet de Son plaisir. Par Lui, l'humanité est présente en Dieu. Dieu regarde Christ et c'est en Lui qu'Il nous regarde. Nous avons un représentant devant Dieu.

Calvin dit même que nous prions par Sa bouche. Jésus-Christ parle par ce qu'Il a été, par ce qu'Il a souffert dans l'obéissance et la fidélité à l'égard de Son Père. Et nous, nous prions comme par Sa bouche, pour autant qu'Il nous donne entrée et audience et qu'Il intercède pour nous. Donc, au fond, notre prière est déjà faite avant même que nous la formulions. Quand nous prions, nous ne pouvons que reprendre cette prière qui a été prononcée dans la personne de Jésus-Christ et qui se répète toujours, parce que Dieu n'est pas sans l'homme.

Dieu est le Père de Jésus-Christ, et cet homme-là, Jésus-Christ, a prié et Il prie encore. Tel est le fondement de notre prière en Jésus-Christ. C'est dire que Dieu S'est fait garant de notre demande, qu'Il a Lui-même voulu être Celui qui exauce nos prières, parce que toutes nos prières sont récapitulées en Jésus-Christ. Dieu ne peut pas ne pas les exaucer, parce que c'est Jésus-Christ qui les prie.

Le fait que Dieu cède aux demandes de l'homme, qu'Il change Son intention et exauce la prière de l'homme ne signifie pas une faiblesse. C'est Lui qui, dans Sa majesté, dans la splendeur de Son pouvoir, l'a voulu et le veut ainsi. Il veut être Dieu, Celui qui a été homme en Jésus-Christ. C'est là Sa gloire, Sa toute-puissance. Il ne Se diminue donc pas en cédant à notre prière; au contraire, c'est ainsi qu'Il montre Sa grandeur.

Si Dieu Lui-même veut être en relation avec l'homme, être près de lui comme un père auprès de son enfant, il n'y a pas là un affaiblissement de Sa puissance, Dieu ne peut pas être plus grand parce qu'Il nous écoute et qu'Il augmente notre foi (on a parfois expliqué de cette façon l'efficacité de la prière), mais c'est parce qu'Il est Dieu : Père, Fils et Saint-Esprit, Dieu dont la Parole a été faite chair.