Mais j'ai déjà prolongé cette lettre plus que je ne l'anticipais. Je
l'ai fait seulement parce que j'avais le sentiment profond de
l'importance de cette question et parce que je suis moralement
certain que votre théorie est contraire à la vérité. Le fait que
ceux qui l'ont soutenue n'aient pas été déboutés plus souvent par les
ennemis de la vérité est dû à l'aveuglement providentiel de ces
ennemis plutôt qu'à la force de l'argument qu'ils ont affronté
concernant cette question. J'ai écrit cette brève revue, comme je
l'ai fait dans mes articles de Signs, avec le désir de défendre la loi
de Dieu et son caractère perpétuel, ses exigences obligatoires pour
toute la race humaine et la belle harmonie qui existe entre elle et
l'évangile. La loi de Dieu est le fondement de toute notre foi. On
peut dire avec justesse qu'elle est le nerf du Message du Troisième
Ange. Et comme c'est le cas, nous devons nous attendre, alors que nous
approchons de la fin, à ce que toutes les forces de l'ennemi soient
concentrées sur elle. Nous aurons à fournir un service encore plus
vaillant pour la défendre que tout ce que nous avons pu faire
jusqu'ici. Chaque point de notre argumentation sera soumis au test de
la critique la plus rigide et nous aurons à soutenir chaque point.
S'il se trouve quelque inconsistance dans l'un de nos arguments, nous
pouvons être sûrs que les ennemis de la vérité ne resteront pas
toujours aveugles devant elle.
Je sais que vous direz que c'est une chose humiliante de modifier
notre position sur un point aussi vital que celui-ci, en face même de
l'ennemi. Mais si un général a pris une mauvaise position, je prétends
qu'il est mieux de la corriger, même au vu de l'ennemi, plutôt que de
courir le risque de subir la défaite à cause de sa position fautive.
Mais je ne vois rien d'humiliant dans l'affaire. Si notre peuple
devait aujourd'hui, en tant que corps (ce qu'ils devront faire un
jour), changer de point de vue sur ce sujet, ce serait simplement
reconnaître qu'ils sont mieux informés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient
hier. Ce serait simplement faire un pas en avant, ce qui n'est jamais
humiliant sauf pour ceux dont l'orgueil de leurs opinions ne leur
permettra pas d'admettre qu'ils peuvent avoir tort. Ce serait
simplement faire un pas de plus pour s'approcher de la foi des grands
réformateurs depuis l'époque de Paul jusqu'à celle de Luther puis de
Wesley. Ce serait un pas de plus vers le coeur du Message du Troisième
Ange. Je ne considère pas du tout le point de vue que je soutiens
comme une nouvelle idée. Ce n'est pas une nouvelle théorie doctrinale.
Tout ce que j'ai enseigné est en parfaite harmonie avec les principes
fondamentaux de la vérité qui ont été soutenus non seulement par notre
peuple, mais par tous les éminents réformateurs. Je ne prends donc
aucun crédit de l'avoir fait avancer. Tout ce que je prétends pour
cette théorie, c'est qu'elle est consistante, parce qu'elle s'en tient
aux principes fondamentaux de l'évangile.
Avant de terminer, je ne peux m'empêcher d'exprimer mon regret de voir
dans votre livre (à la page 78) l'expression : « La doctrine tant
glorifiée de la justification par la foi ». Connaissez-vous un autre
moyen de justification? Vos paroles semblent vouloir insinuer que vous
pensez que cette doctrine a été surestimée. Il y a une chose dont je
suis certain et c'est que ceux qui s'en sont tenus à la théorie de la
loi que vous vous efforcez de soutenir, n'ont pas surestimé la
doctrine de la justification par la foi; car votre théorie mène
inévitablement à la conclusion que les hommes sont justifiés par la
loi. Mais quand je lis
Romains 3.28
et que je lis aussi que Paul ne savait rien d'autre parmi les
Corinthiens que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié, et que « le
juste vivra par la foi », et que « la victoire qui triomphe du monde,
c'est notre foi » (
1 Jean 5.4
), et que Paul voulait être trouvé au retour de Christ comme n'ayant
rien d'autre que « la justice qui vient de Dieu par la foi » (
Philippiens 3.9
), je conclus qu'il est impossible de surestimer la doctrine de la
justification par la foi. Vous pouvez l'appeler une « doctrine tant
glorifiée » si cela vous plaît; j'accepte le terme et je dis avec Paul
: « Pour ce qui me concerne, loin de moi la pensée de me glorifier
d'autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui
le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde! » (
Galates 6.14 )
Espérant que vous lirez cette lettre dans l'esprit avec lequel elle a
été écrite et que vous croirez que je l'ai écrite seulement avec la
plus grande considération et l'amour fraternel le plus profond pour
vous personnellement, priant que Dieu nous guidera tous deux et tout
Son peuple vers une connaissance plus parfaite de la vérité telle
qu'elle est en Jésus, je demeure votre frère en Christ,
E. J. Waggoner.