Ajoutons finalement un dernier contraste entre l'amour humain et
l'amour divin. L'amour humain naturel désire par-dessus tout la
récompense de la vie éternelle, l'agapé ose y renoncer. Voilà ce qui
bouleversa tout le système de valeurs de l'Antiquité!
Dieu n'a pas écrit une page d'encyclopédie pour nous donner une
explication systématique de ce qu'est l'agapé. Il a préféré envoyer
Son Fils mourir sur une croix afin que nous puissions contempler cet
amour. Et ce sacrifice a ceci de particulier : il est infini,
suffisant et valable pour l'éternité [puisqu'accompli une fois pour
toutes]; rien ne lui est comparable. Christ est mort, non parce qu'Il
le méritait, mais parce que nous le méritions. Dans Ses dernières
heures, cloué à cette croix, entouré de ténèbres, Il a bu jusqu'au
fond la coupe de la malédiction pesant sur la race humaine. La lumière
qui L'avait accompagné tout au long de Son pèlerinage terrestre avait
disparu. Toute idée de récompense [de vie éternelle] était alors bien
loin de Sa pensée. Il ne pouvait pas voir au-delà de cette tombe
affreuse et obscure qui L'attendait toute béante. Dieu est agapé et
Christ est Dieu, mais Il est là pourtant, agonisant pour nous, à notre
place, subissant la mort que nous méritons. (Le fait que le Père L'ait
ramené à la vie le troisième jour n'enlève rien à la réalité de Sa
décision de Se sacrifier pour nous!)
Nous voici maintenant rendus au point qui nous dérange. Car il ne
suffit plus pour nous de dire : « Je suis bien content qu'Il ait
réussi. » Mais « puis-je apprendre, moi aussi, à aimer avec l'agapé? »
Mais oui, même les pécheurs mortels et égocentriques que nous sommes
pouvons apprendre à aimer avec l'agapé. L'apôtre Jean a écrit :
« L'amour [agapé] est de Dieu, et celui qui aime [avec l'agapé] est né
de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n'aime pas [avec l'agapé] ne
connaît pas Dieu; car Dieu est amour [agapé] » (
1 Jean 4.7-8 ).
Moïse est un exemple parfait de ce que signifie apprendre l'agapé.
Dieu le mit un jour à l'épreuve. Après qu'Israël eut brisé l'alliance
en adorant le veau d'or, l'Éternel proposa à Moïse de détruire ce
peuple idolâtre d'une « bombe H » divine et de recommencer à zéro avec
un nouveau peuple, formé de ses descendants. Moïse comprit alors que
le péché d'Israël était cette fois trop grand pour être pardonné. La
possibilité de remplacer Abraham, Isaac et Jacob comme père d'une
nouvelle nation constitua certainement une tentation pour lui. Il se
vit face à un Dieu irrité [avec raison] qui l'aimait bien, mais qui en
avait assez d'Israël. Devait-il supplier Dieu pour obtenir le pardon
d'Israël? Cela paraissait inutile. Que faire alors? Accepter l'honneur
proposé et laisser périr ce peuple?
Moïse était déchiré jusqu'au plus profond de son être. Il n'avait
jamais tant pleuré de toute sa vie. Écoutez ce mortel comme nous alors
qu'il essaie, par des arguments entrecoupés de sanglots, d'amener Dieu
à changer d'idée. « Ah! ce peuple a commis un grand péché! Ils se sont
fait des dieux d'or. Mais maintenant, si tu voulais pardonner leur
péché ». Moïse fond ici en larmes; il est incapable de terminer sa
phrase. (C'est ce que représente ce seul tiret de toute la version
KJV.) Il aperçoit toute l'horreur de l'enfer éternel qui l'attend,
s'il ose partager le sort d'Israël. Mais il prend sa décision. Il
choisit d'être perdu avec eux : « Sinon, efface-moi, je te prie, du
livre que tu as écrit! » (
Exode 32.31-32
). Moïse remporta l'épreuve. On peut facilement imaginer ce Dieu plein
d'amour prenant dans Ses bras Son serviteur en larmes Il avait trouvé
un homme selon Son coeur!
On découvre en Paul le même amour agapé, alors qu'il alla jusqu'à
souhaiter subir la malédiction et être séparé de Christ pour le
bénéfice de son peuple rejeté (
Romains 9.1-3
). Celui qui voit la croix telle qu'elle est réellement et qui croit,
verra à son tour le miracle de l'agapé se reproduire dans son propre
coeur. C'est ainsi que le monde sera de nouveau tourné à l'envers,
« car l'amour de Christ nous presse... afin que ceux qui vivent ne
vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité
pour eux » (
2 Corinthiens 5.14-15 ).
C'est le coeur même du Nouveau Testament qui nous échappe si nous n'y
voyons pas l'agapé. Nous sommes alors ignorants de la vraie foi, car
le Nouveau Testament définit la foi comme une appréciation sincère de
« la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur » de l'agapé
de Christ (
Éphésiens 3.18
). Il ne peut y avoir de justification par la foi sans une
appréciation véritable et profonde de l'agapé!
Et ainsi, alors que les apôtres allaient partout en racontant cette
histoire, la croix devint le moment de vérité pour le monde. Chaque
homme se voyait lui-même jugé à la lumière de cette révélation. La
croix devenait la définition suprême et unique de l'amour, le mot de
la fin; c'est pourquoi le mot « agapé » tourna le monde à l'envers.
Laissez-le aussi bouleverser votre vie!