UN MARIAGE SANS ESPOIR

AIMER MALGRÉ TOUT

« Il a détruit tout l'amour que j'avais pour lui! Plutôt mourir que de m'approcher de lui! » « Je ne ressens plus rien pour elle. Je ne suis plus capable de l'aimer. »

Voilà de bien tristes paroles qui résonnent comme si tout était fini et qu'il ne servait plus à rien d'écrire ce chapitre. Tout ce qui meurt ne revient habituellement pas à la vie. Une chose morte peut-elle revivre?

Autrefois, les Grecs et les Romains considéraient l'amour sexuel comme un dieu lançant des flèches enflammées de passion et destinées à faire tomber en amour ses victimes impuissantes. Déjà, au premier siècle avant Jésus-Christ, les Romains représentaient Cupidon sur des peintures et des sculptures sous la forme d'un conquérant invincible. Si vous étiez touché par une de ses flèches, votre sort était réglé. Nous avons encore tendance à voir les choses de cette façon, tout modernes que nous soyons. Nous sommes aussi impuissants devant les idylles que les remèdes devant la grippe. L'équivalent grec de Cupidon se nommait Éros, fils de la déesse Vénus. Si, dans la mythologie grecque, l'amour sexuel était un dieu, comment un simple mortel pouvait-il s'opposer à la volonté divine?

On retrouve aussi la même idée chez les Musulmans. On exige des femmes islamiques une extrême modestie parce qu'on suppose que la vue d'une silhouette féminine ou de son corps partiellement dévêtu éveille une passion incontrôlable chez l'homme, qui devient à son tour irrésistible pour la femme. Il est presque inconcevable à leurs yeux qu'un homme et une femme laissés seuls n'aient pas de relations sexuelles. Tout comme dans la Grèce et la Rome antiques, les passions sexuelles sont considérées divines. Si Cupidon tire une flèche, inutile de résister. La volonté d'une personne n'a rien à dire dans un tel amour.

Il ne reste qu'un pas à franchir pour conclure que, tout comme vous n'avez aucun contrôle sur le fait de tomber en amour, vous ne pouvez non plus décider de cesser d'aimer. L'amour serait-il alors le tyran de nos âmes et serions-nous ses esclaves, pour nous laisser dicter qui [ou quand] aimer ou ne pas aimer?

La Bible nous enseigne un amour tout à fait différent. Elle le présente comme un principe. Il peut être voulu ou contrôlé, alors que le Saint-Esprit de Dieu éclaire la personne qui croit au Sauveur. Cupidon aura beau tiré sa flèche pour vous attirer dans une aventure illégitime et destructrice, la Bible enseigne qu'il est possible de repousser de telles suggestions. Cupidon peut aussi tenter de vous atteindre de ses flèches, vous qui êtes marié, et vous amener à penser que vous êtes désespérément en amour avec une autre personne que votre mari ou votre femme. Les païens croient qu'un tel désir est d'origine divine et constitue donc une raison suffisante de briser un mariage. Mais le véritable chrétien réalise qu'il peut refuser cette invitation à l'infidélité et en triompher par la puissance divine.

L'apôtre inspiré déclare : « Car la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, a été manifestée. Elle nous enseigne à dire 'non' à l'impiété et aux passions mondaines, et à vivre dans la maîtrise de soi, la droiture et la piété dans le siècle présent en attendant la bienheureuse espérance, la glorieuse apparition de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus-Christ, qui s'est donné lui-même pour nous afin de nous racheter de toute iniquité » ( Tite 2: 11-14 ).

Vous n'êtes pas appelés à grincer des dents et à vous braquer devant les tentations d'un amour illégitime. Pas du tout. La Bible déclare que la grâce de Dieu (la puissance divine en action) nous enseigne à dire « non » à la tentation. Nous ne sommes pas esclaves de ces passions. Nous sommes des hommes et des femmes libres en Christ, ayant le pouvoir de choisir de Lui céder le contrôle de nos émotions et de nos désirs. Si nous pouvons dire « non » à un amour illégitime, nous avons remporté une victoire sur la tentation. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point vous serez heureux d'avoir été délivré d'un piège qui n'aurait été finalement qu'un abîme.

S'il est possible de dire non à un amour illégitime, ne serait-il pas également possible de dire « oui » à un amour que vous savez être juste et correct, qu'il est de votre devoir de favoriser, même si vos sentiments ne vous l'indiquent pas sur-le-champ?

Dieu n'est pas Cupidon. Lorsque vous promettez d'aimer, d'honorer et de chérir votre conjoint jusqu'à ce que la mort vous sépare, Dieu désire comme vous qu'il en soit ainsi. Il est très possible que l'autre ne respecte pas sa part du contrat, mais cela ne vous excuse pas et ne doit pas vous empêcher de remplir la vôtre. Sinon le plan conçu par Dieu concernant le mariage serait en voie d'échouer lamentablement.

Ayant compris ces points, ne devrions-nous pas plutôt reformuler ainsi la question du début : Est-il possible d'aimer un époux détestable que vous avez l'impression de ne pas pouvoir aimer?

Presque toutes les langues modernes n'ont qu'un seul mot pour décrire l'amour; mais le grec du Nouveau Testament en utilise surtout trois : éros, philos, et agapè. Éros était l'équivalent grec de Cupidon, le dieu de l'amour-passion, ce type d'amour qui s'attache à la beauté ou à la bonté de la personne aimée. Nous en sommes tous pourvus à la naissance. Dans l'Antiquité, les païens supposaient, nous l'avons mentionné, que l'éros était d'origine divine, une émotion mystérieuse, balayant tous les obstacles humains sur son passage tel un torrent déchaîné. Philos, pour sa part, s'apparentait davantage à un amour inférieur, une sorte d'affection, comme l'amour de la musique ou de l'art.

Les apôtres n'ont jamais décrit Dieu sous le nom d'éros. Jean a déclaré : « Dieu est agapè. » ( 1 Jean 4: 8 ). Ce genre d'amour est un principe et non une passion. Il est libre et souverain, il ne s'arrête pas à la bonté ou à la beauté de la personne. Il peut donc aimer les gens les plus ignobles comme les plus laids. « À peine mourrait-on pour un juste; quelqu'un peut-être mourrait pour un homme de bien [ce serait la forme la plus élevée, la plus noble de l'éros]. Mais Dieu prouve son amour [agapè] envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, Christ est mort pour nous... Car, lorsque nous étions encore ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils. » ( Romains 5: 6-10 ).

Alors que l'amour éros et l'amour philos dépendent de la valeur de celui ou celle qu'ils aiment, l'agapè est un amour qui crée cette valeur dans l'être aimé. Vous n'avez pas à vous rendre purs avant de savoir que Dieu vous accepte. C'est Son amour qui vous recrée, qui vous rend aussi précieux que le Don divin accordé pour votre rédemption.

L'amour éros désire instinctivement posséder. En contraste, l'agapè est un amour qui donne au lieu de prendre ou d'attendre en retour. Alors que notre amour humain cherche le plaisir pour son propre bénéfice, l'agapè veut faire plaisir aux autres. L'amour humain cherche une récompense; inversement l'agapè est prête à abandonner toute récompense.

L'agapè est un amour que nous ne pouvons pas produire nous-mêmes. Il est étranger à notre planète et doit donc être importé. Cet amour étonnant constitue la révélation suprême du caractère de Dieu démontré en Christ : « Car l'amour [agapè] est de Dieu, et quiconque aime [avec l'agapè] est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n'aime pas [avec l'agapè] ne connaît pas Dieu; car Dieu est amour [agapè]... Et cet amour [agapè] consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu'il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. ... si nous nous aimons les uns les autres [avec l'agapè], Dieu demeure en nous, et son amour est parfait en nous. » ( 1 Jean 4: 7-12 ).

Si le mariage n'est basé que sur l'amour éros, il sera soumis aux fantaisies capricieuses de Cupidon. Sur son ordre, vous cesserez d'aimer aussi subitement que vous êtes tombé en amour. Mais l'amour agapè que donne le Christ stabilise notre amour humain. Nous lisons que l'agapè ne périt jamais ( 1 Corinthiens 13: 8 ), alors que les épaves qui jonchent les rives du mariage témoignent amplement de l'échec et des trop nombreux naufrages du simple amour humain.

Dieu veut que votre mariage soit heureux. L'agapè peut être injectée dans votre amour conjugal pour le rendre plus noble. Lorsque le Seigneur donne l'ordre : « Maris, aimez vos femmes » ( Colossiens 3: 19 ), le verbe utilisé correspond à l'agapè. L'amour d'une femme doit aussi s'enrichir du même amour céleste. Tout ceci peut nous sembler impossible, sauf si nous considérons humblement la réalité. Le don du ciel doit être importé. L'apôtre Paul donne l'avertissement suivant : « Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonnés en Christ. Devenez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés; et marchez dans l'amour [agapè], à l'exemple de Christ, qui nous a aimés, et qui s'est livré lui-même pour nous... » ( Éphésiens 4: 32; 5: 1-2 ). Toute la solution se trouve dans cette phrase : « ... comme Christ nous a aimés ».

Lorsque nous apprécions Son amour, nous réalisons que nous serions dans la tombe s'Il n'était pas Lui-même mort pour nous. Nous devons tout à Son sacrifice, même la vie physique, que nous le comprenions ou non, que nous le croyons ou non. Tous ont une dette éternelle et infinie envers notre Sauveur; le soleil ne brille et la pluie ne tombe qu'en vertu de Son sacrifice. Chaque miche de pain porte l'empreinte de la croix, chaque source d'eau la reflète. Cette leçon nous est enseignée dans la Sainte Cène [le dernier repas du Seigneur avant Sa mort].

Lorsque nous prenons conscience un tant soit peu de nos propres faiblesses et de notre caractère exécrable, lorsque nous avons expérimenté cette grâce par laquelle « Dieu nous a pardonnés en Christ », il devient infiniment plus facile d'être « bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement ». Comme une source d'eau qui s'était asséchée et fait de nouveau rejaillir ses eaux rafraîchissantes après une période de pluie, de même les douces émotions qui s'étaient taries dans la poussière commencent à refaire surface. Ce que nous avons autrefois considéré comme impossible devient réalité. Le commandement d'aimer notre conjoint peut paraître aussi impossible que de déplacer le Mont Everest, mais si nous réalisons à quel point le Christ nous a aimé, le miracle peut se produire.

L'agapè est un amour en harmonie avec le plan de Dieu pour nous et avec Sa loi. Nous avons le choix d'aimer [agapè] « en Christ » par Sa grâce. Car tout ce que Dieu veut est possible. Plus d'un mariage cliniquement « mort » peut à nouveau revivre si nous nous greffons à la Source ultime du véritable amour.

Mais l'amour [agapè] peut-il permettre à l'amour physique de ressusciter et résoudre ses mystérieux problèmes?